Manon Lévêque
L’écriture et l’art du rituel sont des pratiques qui me nourrissent beaucoup en tant que jeune artiste émergente. Jusqu’au premier atelier avec Thuy, je ne savais pas ce qu'était le kasàlà. Je m’y suis inscrite par curiosité et soif de découverte, mais aussi et surtout pour répondre à mon besoin de connecter avec les femmes de ma communauté et celles que je porte en moi. Quand je me suis installée dans le cercle de femmes la première fois, je me suis tout de suite sentie chez moi, en famille; et dès que Thuy a commencé à présenter le kasàlà, j’ai souri intérieurement en me disant que j’étais à la bonne place.
Kasàlà Réparer l'absence
(Kasàlà de réparation)
À toi, Marcelle
Femme aux longs cheveux gris de mon enfance
Celle aux rides marquées d'une vie si généreuse
Femme aux longs cheveux libérés
D'un passé invisible, d'un avant si secret
Tu étais là, avant moi, avant Paola, ma mère, ta fille
Tu étais la dernière d'une famille dont tu as pris soin, je le sais
Une famille pour qui tu t'es sacrifiée
Je ne sais pas tout grand-mère, je ne sais même pas grand chose
Mais je sais que la lutte était là car je la porte en moi
Ou plutôt, je la portais en moi
Car aujourd'hui, je choisis de baisser les armes
Pour nous, pour toutes les femmes de notre lignée, de notre toile d'araignée
Marcelle, femme aux longs cheveux gris de mon enfance
Je t'appelle aujourd'hui
Pour libérer ensemble l'amour asphyxié dans nos poings
Le laisser circuler
De toi à moi, de moi à toi
Réparer l'absence, refiler l'histoire
Semer des bougies dans les nuits de nos vies
De moi à toi et au-delà
Sentir nos cheveux s'entremêler et révéler notre grande histoire
Qu'elle ne puisse plus nous échapper
Manon, Madeleine, Marcelle
C'est ainsi que je me nomme
Je suis ta petite fille et je porte ton prénom
Nos voyages sont liés par les voyelles et celles de ta mère, Madeleine
Si je vous écris aujourd'hui c'est pour vous rappeler à moi
Pour que ce lien indéfectible devienne racine
Et que les feuilles de notre peuplier chantent enfin leur plus grande symphonie
Celle aux mouvements invisibles qui tissent les âmes et font battre les coeurs dans nos ventres devenus ronds
Madeleine, Marcelle
Le ciel dessine désormais vos visages et je navigue la victoire de vos larmes déposées
Je quitte l'infinie tristesse pour à présent déployer votre puissance reçue en héritage
Moi, Manon, Madeleine, Marcelle
Je danse enfin le dragon qui renaît